Tout est en place, je peux commencer à oeuvrer.
Je vous épargnerai volontiers, les forts coups de massette sur les chasses (gros burins) afin de dégager les volumes principaux, le doux ronronnement du marteau pneumatique qui me permet d'approcher la forme définitive de la sculpture, et les heures de percussion des petits burins découvrant millimètre par millimètre le modelé du personnage.
A ce stade, j'ai déjà bien travaillé et je suis plutôt satisfait. La pierre commence à me renvoyer le résultat de mon travail de préparation. Il existe des jours bénis !......
Commence désormais un long travail de finition.
Les rifloirs entrent alors en activité. Ces râpes à pierre, grosses ou petites, sont plates, incurvées, bombées, pointues ou rondes.
Outil idéal pour les formes arrondies, le rifloir me permet d'approcher au plus près le modelé du sujet sculpté. Grâce à lui, je vais révéler la courbure d'un dos, le creux d'un pli...., exacerber une attitude en mouvement....
Une ondulation ou un pli, finement révélés, sont parfois plus expressifs qu'une gestuelle grandiloquente.
Et puis, vient le temps du papier de verre et de ses grains différents, du plus gros au plus fin.
En règle générale, j'effectue trois ou quatre ponçages successifs, selon la finition souhaitée.
Le ponçage apparait, pour beaucoup d'entre nous, comme une activité rébarbative et poussiéreuse.
Mais, en sculpture, je considère ces opérations de polissage comme parties intégrantes de mon travail. En effet, le polissage me permet, jusqu'au dernier moment, d'intervenir sur la sculpture dans ses plus subtils détails.
Le rendu d'un pli de vêtement peut permettre de révéler, par la lumière qu'il réussit à capter, la tension d'une attitude anatomique dissimulée par ce vêtement.
Si le vide et le plein sont les deux éléments constituants de la sculpture, la lumière en est le révélateur et tient donc un rôle majeur du début à la fin du projet.
Mes personnages sculptés sont ronds et lisses. Tout doit sembler glisser sur eux sans contrainte.
La lumière vient révéler la fluidité des volumes arrondis et la netteté du dessin qui s'opposent ainsi, en zones d'ombres adoucies ou fortement contrastées.
La sculpture terminée, il est temps de la mettre en scène.
Le sujet : Un homme se prend le pied dans un tapis
Au départ, j'avais imaginé, sur un socle en acier, symboliser le tapis avec une feuille de plomb.
Et puis, l'image du tapis rouge s'est imposée. J'ai, alors, mis en forme une feuille de zinc que j'ai teintée.
"Le tapis rouge", à travers cette oeuvre, j'ai voulu transcrire le mouvement de la chute, cet instant ô combien fragile et critique.
En mémoire, je garde la merveilleuse transcription qu'en fit Peter Breugel dans "La parabole des aveugles".
Le tapis rouge place le personnage au-dessus de la mêlée, mais aussi sous les feux de la rampe, tous les regards sont braqués sur lui, il devient spectacle.
Mais, tout un chacun peut être, un jour ou l'autre, concerné. Cet instant est éminemment tragique pour celui qui le vit.
J'ai tenté de saisir cette seconde pathétique, où un simple incident peut tout faire basculer.....
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ALVAREZ VALERIE (mardi, 19 juin 2018 16:07)
Merci de partager ça avec nous. Vous savez bien tous les 2 que j'aime l'ensemble de ce que vous faites.
Bises
MICHELE TROUCHAUD (mardi, 19 juin 2018 18:35)
J'avais vu la maquette, j'aime beaucoup le résultat final, continu d'avoir de si bonnes idées, a bientôt BZZ
Brigitte Granet (mardi, 19 juin 2018 19:47)
Coucou ! J'adore tes sculptures depuis longtemps déjà (notre Barnabé est une tellement charmante compagnie à la maison �) mais je découvre tes talents d'écrivain et de conteur. Il n'a pas fini de nous étonner, Barnabé. Des bisous à Lili et toi
Manou.aix@gmail.com (mercredi, 20 juin 2018 09:21)
Depuis qq années Barnabe fait partie de mon quotidien. Je l'adore toujours et le "chouchoute" mais il serait sans doute bien que je lui trouve un compagnon de sa famille ... Je verrai selon vos expo. Si vous vous rapprochez d'Aix en Provence.